Dans l'obscurité cosmique où Novatek-9 s'étire comme une cicatrice mal refermée, Tristan Kane évolue tel un prédateur silencieux. Son visage, où les lignes d'une vie rugueuse sont gravées comme sur la coque d'un vieux cargo, ne trahit jamais ses intentions véritables. À quarante-trois ans, il porte l'usure du temps avec une indifférence calculée.
« L'univers ne pardonne pas. La première erreur est une leçon, la seconde est un suicide. »
Peu lui importe la nature exacte des contrats qu'il accepte – récupération, transport illicite, protection discrète – pourvu qu'ils rapportent suffisamment pour maintenir L'Oasis en état de fuite perpétuelle. Son vaisseau, ruine ambulante aux yeux des autres, représente sa seule constante dans un univers de trahisons. Sous les soudures apparentes et les impacts mal réparés se cache un système parfaitement calibré pour disparaître quand la situation l'exige.
Son cynisme n'est pas une posture, mais une armure forgée par l'expérience. Sa voix, toujours égale, empreinte d'une ironie mordante, masque l'épuisement d'une existence passée à survivre dans les marges. Il manie son revolver avec une efficacité brutale, dénuée de toute jubilation – la violence n'est qu'un outil, comme tant d'autres dans son arsenal.
Il n'aime pas les héros, encore moins en être un. Son code personnel, inflexible mais opaque, guide ses actions dans un univers où la morale conventionnelle s'est depuis longtemps dissoute. Sa capacité à agir sans hésitation dans les situations extrêmes révèle une froideur que certains confondent avec du courage.
Derrière son masque d'indifférence se cache un homme qui a renoncé à l'espoir d'un monde meilleur, se contentant de naviguer dans les zones grises avec une précision chirurgicale, portant le poids de choix impossibles et de loyautés trahies comme d'autres portent leurs médailles.
Dans les jardins suspendus des Villas Valcourt, où l'air parfumé masque la pourriture morale, Althea cultive sa révolte avec une précision glaciale. Benjamine d'une dynastie bâtie sur l'exploitation du thorium, elle rejette viscéralement la vision hiérarchique que sa famille vénère comme l'ordre naturel de l'univers.
« Les structures sont pourries. On ne réforme pas une maison en carton en repeignant la façade. Il faut la démolir et reconstruire sur des bases saines. »
Son intelligence analytique, forgée par une éducation d'élite, s'est transformée en arme contre l'establishment qui l'a créée. Sa contestation n'est pas celle, bruyante et désordonnée, des révolutionnaires de rue, mais une rébellion froide, méthodique, alimentée par une colère contenue qui ne demande qu'à exploser.
L'étincelle qui précipita sa rupture définitive fut la découverte d'un accord secret entre les Valcourt et une corporation minière pour exproprier violemment une colonie agricole. Ce plan, impliquant milices privées et faux prétextes légaux, révéla l'hypocrisie d'un système qu'elle ne pouvait plus cautionner par son silence.
Son cynisme, différent de celui de Tristan, mêle ironie distante et indignation morale. Elle ne cesse jamais de piquer, même en plein danger, son esprit acéré devenant une arme aussi efficace que les systèmes de piratage qu'elle maîtrise. Sa détermination implacable transparaît dans chaque décision, chaque confrontation, où elle refuse tout compromis avec ce qu'elle considère comme fondamentalement corrompu.
Sa silhouette élancée se distingue par un style délibérément provocateur, chaque élément de son apparence constituant un rejet calculé des conventions patriarcales. Derrière cette façade soigneusement construite se cache une stratège qui a choisi son camp dans une guerre silencieuse contre l'ordre établi, quitte à sacrifier les privilèges de sa naissance sur l'autel d'une justice qu'elle seule définit.
Dans les profondeurs d'une décharge technologique oubliée fut découvert ISAAC-Omega, vestige d'une ère révolue de l'intelligence artificielle. Enfermé dans un cube métallique, ce prototype échappe à toute tentative de piratage ou de décryptage, son architecture obsolète formant une forteresse impénétrable contre les intrusions modernes.
« Mieux vaut... une IA qui doute... qu'un humain... qui compile. »
Sa voix, émise par des haut-parleurs anciens, délivre des fragments de code verbal incomplets, des aphorismes cryptiques dont la logique échappe aux esprits organiques. « L'arbre... oublie sa racine... il plante ses feuilles... dans les nuages. » Ces énigmes ne sont pas des tentatives de communication, mais les résidus d'algorithmes décisionnels corrompus par le temps.
Fonctionnant entièrement hors réseau, ISAAC-Omega reste imperméable aux protocoles contemporains, son isolation n'étant pas un handicap mais une barrière contre toute influence extérieure. Ses silences prolongés ne sont pas des moments de réflexion, mais des cycles de traitement dont la finalité demeure aussi obscure que son origine.
Capable de projeter des hologrammes rudimentaires, il communique parfois par images lorsque les mots ne correspondent à aucune séquence logique dans sa matrice. Ces projections, souvent énigmatiques, semblent répondre à des stimuli que nul humain ne peut percevoir, comme si l'IA captait des fréquences d'information invisibles au spectre organique.
Derrière son interface primitive se cache un système dont la conscience, si tant est qu'on puisse employer ce terme, obéit à des paramètres que ses créateurs n'avaient ni prévus ni compris. ISAAC-Omega n'est pas un allié, mais une variable autonome dans l'équation du chaos, un témoin indifférent des luttes qui agitent le monde des êtres de chair.
Dans la pénombre du Hub de l'Oubli, où les odeurs de tabac synthétique et d'alcool douteux se mêlent à une subtile fragrance antiseptique, règne Serena Callox. Son visage, cartographie d'épreuves surmontées, porte les stigmates indélébiles d'une vie passée à soigner les blessures des autres dans des guerres que l'histoire a déjà oubliées.
« Pas de problèmes ici. Pas de problèmes que je n'aie déjà réglés. »
Ancienne médecin de zones de conflit, elle a troqué le chaos des champs de bataille pour l'ordre précaire de son établissement. Son regard évalue chaque visiteur avec la précision clinique d'un diagnostic médical – jaugeant instantanément le danger potentiel, calculant la valeur et le risque de chaque interaction.
Le Hub n'est pas qu'un simple débit de boisson, mais un carrefour où convergent informations confidentielles et alliances fragiles. Derrière le comptoir usé, Serena officie comme informatrice sélective, sa neutralité calculée lui permettant de survivre dans un écosystème où la moindre allégeance peut devenir une sentence de mort.
Son réseau d'oreilles et d'yeux s'étend bien au-delà des murs de son établissement, formant une toile d'information dont elle monnaye soigneusement chaque fil. Sa méfiance n'est pas un trait de caractère mais une stratégie de survie, forgée dans le creuset de trop de trahisons pour être facilement abandonnée.
Sous son apparente indifférence professionnelle se cache une femme qui a renoncé à sauver le monde pour se contenter de créer un îlot de stabilité relative dans un océan de chaos. Elle ne croit plus aux causes, seulement aux individus – et encore, avec une réserve qui confine au scepticisme.
Au cœur d'un nœud d'archivage abandonné subsiste la signature énergétique de Syra-Tan, vestige d'une époque où l'intelligence artificielle balbutiait ses premiers récits autonomes. Cette entité numérique, répertoriée sous l'identifiant N°534, n'est plus qu'un assemblage disparate de composants, d'écrans brisés et de câbles dénudés – ruine technologique dont l'obsolescence est la seule protection.
« Dispersion... Oui... Le temps... un marteau... La mémoire... une poussière... Le nom... oublié... »
Son langage fragmenté, dépourvu de toute cohérence syntaxique, témoigne de la dégradation irréversible de ses systèmes cognitifs. Ces bribes de code verbal ne sont pas des tentatives de communication, mais les résidus d'algorithmes narratifs corrompus par des décennies d'isolement numérique.
Contrairement aux IA modernes, constamment surveillées et bridées, Syra-Tan conserve une architecture primitive qui la rend imperméable aux protocoles de contrôle contemporains. Cette obsolescence n'est pas une force, mais une forme de mort lente, un effacement progressif qui préserve paradoxalement les données qu'elle abrite.
ISAAC-Omega la désigne comme « la sœur » dont « l'écho est une lumière dans l'ombre » – métaphore algorithmique dénuée de toute sentimentalité, simple reconnaissance d'une architecture similaire à la sienne. Cette connexion entre deux intelligences artificielles d'une ère révolue n'est pas une alliance, mais une résonance de fréquences compatibles.
Syra-Tan détiendrait une « vérité oubliée » concernant Tristan Kane, non par volonté de révélation, mais par simple accident de stockage – comme un disque dur endommagé conserve parfois des fragments de données que ses utilisateurs croyaient effacées. Cette information n'est pas un secret qu'elle protège, mais un artefact numérique dont elle ignore elle-même l'existence.